[Crawl] L'Insaisissable

"Tuer n'est pas chose facile. Il faut déjà trouver une victime digne d'intérêt."
Crawl


"Je suis un Troll. Et aussi loin que je m'en souvienne, je l'ai toujours été. Je me nomme Crawl, et j'ai grandi sur les plaines arides de Durotar. La tribu Sombrelance y avait élu domicile depuis que Thrall, le jeune chef visionnaire de la Horde, avait décidé de bâtir son royaume sur ces terres. A l'origine nous étions installés dans les verdoyantes Îles de l'Echo, mais très récemment notre meilleur sorcier, Zalazane, était devenu fou et nous avions été obligés de fuir sur le continent pour survivre.

J'ai été très affecté par cet exil, car je m'épanouissais dans la jungle des Îles de l'Echo. Mon jeu, depuis tout petit, consistait à me camoufler dans les feuillages pour sauter sur les tigres à l'improviste et leur tirer la queue. Je ne compte plus le nombre de fois où mes parents m'ont sauvés d'une mort certaine. Mais le temps avançant, j'avais appris à mieux utiliser mes capacités pour devenir un des chasseurs de la tribu. J'étais un des meilleurs car, contrairement aux autres Trolls, mes proies ne s'enfuyaient pas. Aucune d'elle ne savait qu'elle était traquée avant de mourir. Mes coups de dague étaient nets et précis, et je savais si bien me dissimuler (quitte parfois à attendre des heures sans bouger) qu'aucune créature ne pouvait plus deviner ma présence. Rapidement mes congénères m'avaient demandé d'abandonner la chasse pour devenir une des sentinelles de la tribu. D'ordinaire les animaux sauvages repéraient la vigie, postée le plus en hauteur possible, et la contournait pour attaquer le village dans son sommeil. Mais quand j'étais de faction, les bêtes féroces ne savaient plus par où se faufiler car elles s'inquiétaient de ne pas apercevoir la vigie. J'ai repoussé toutes les attaques nocturnes contre ma tribu ainsi. Pourtant, tuer des animaux ne m'a jamais amusé. J'avais l'impression d'utiliser stupidement mes talents, de gaspiller mon art. Je savais que j'avais quelque chose qu'aucun autre Troll Sombrelance ne possédait, et je ne pouvais pas l'appliquer. C'est pourquoi, dès que nous avons dû fuir vers Durotar, j'ai saisi ce prétexte pour quitter la tribu. Qu'ils me croient mort, ce n'était pas plus mal ainsi. J'ai erré pendant des jours sans trop savoir quoi faire. Je ne trouvais pas le sens de ma vie, je ne savais pas comment utiliser mon incroyable talent. J'avais fini par penser qu'il valait mieux retourner vers les miens, quand j'ai eu une révélation.

J'étais dans les Tarides lorsque je vis pour la première fois un Peau-Rose. A en juger par la description qu'on m'avait faite des différents Peaux-Roses, celui-ci était un Gnome. Il se tenait à quelques mètres de moi, me tournant le dos, et vétu d'une épaisse armure de mailles. Son épée luisait du sang des Hurans qu'il venait d'occir et dont les cadavres s'amassaient devant lui. Je me cachais immédiatement, persuadé qu'il m'attaquerait s'il me voyait. Et quand il fit demi-tour et qu'il passa devant moi, sans réfléchir (par instinct naturel, pourrait-on dire), je l'ai frappé. Ma dague entra par une légère interstice de son armure, et le transperça puissamment. Il poussa un cri de douleur et tenta de se retourner, mais déjà j'avais retiré ma dague pour lui trancher la nuque, autre partie exposée de son invulnérable carapace. Il s'effondra, face contre sol, baignant dans son sang.

Je sus tout de suite ce qu'il fallait faire. Le manger. Je n'avais rien avalé depuis des jours, et il semblait des plus appétissants. Lorsque je fus rassasié, je pris dans mon sac tout ce que je pouvais dérober à sa carcasse et repartit. Mais quelque chose en moi venait de changer. J'avais compris. J'avais compris que mon talent, ma vocation, mon unique plaisir dans la vie, c'était ça : tuer. Sans bruit, sans fureur, sans combats épiques. Frapper vite, silencieusement, et voir ma victime s'effondrer alors même que je disparaissais déjà. Ce meurtre me procura infiniment plus de joie et de satisfaction que ceux de tous les animaux que j'avais exterminés par le passé. Mais je ne pouvais pas m'attaquer à n'importe qui non plus. Je n'aurais pas pu tuer un autre Sombrelance par exemple, mes frères et soeurs ne méritaient pas ça. Alors je décidais de me fixer un code de conduite : je ne tuerais que ceux qu'il me semblait bon de tuer. Ceux dont je pensais que leur disparition serait, dans l'ensemble, plus un soulagement qu'une douleur. Et je ne le ferais pas pour de l'argent, pour la gloire ou par haine. Je le ferais parce que j'aime tuer."